A MEDITER

L’ART DE NE RIEN FAIRE

Allongeons-nous dans l’herbe et observons les nuages qui passent : les gros nuages tranquilles mousseux comme de la chantilly, les nuages pressés poussés par le vent, les nuages sombres et mystérieux, annonciateurs d’orages…

En ces temps bousculés, où Facebook occupe le devant de la scène et diffuse tous les événements qui sont partagés avec le reste du monde instantanément, on oublie presque d’apprécier les beaux moments, simplement.

Même nous, partisans de l’observation des nuages comme technique bienheureuse de l’inactivité, nous sommes bien obligés d’admettre qu’à la vue d’une formation nuageuse étonnante, il nous arrive de penser que nous devrions la prendre en photo et la poster sur Facebook. Il y a là matière à réfléchir car de nos jours, combien de personnes ont ce même réflexe ? Dès que nous voyons quelque chose de beau nous sortons notre appareil photo… un souvenir, pour le montrer à nos amis… tout doit être immortalisé… Il suffit que la batterie de notre appareil soit vidée et c’est la catastrophe. Pourtant, le moment le plus intéressant est celui où nous voyons le nuage, nous l’apprécions intensément, et le nuage passe.

Nous éprouvons un besoin profond de partager les choses qui nous plaisent et les réseaux sociaux rendent ça très accessibles plus que jamais. Mais prenons-nous le temps de vivre le moment de la découverte, de regarder une magnifique fleur et de la sentir ?

Nos tiroirs débordent de photos qui n’ont jamais été collées dans un album. A la différence d’autrefois, nous ne gardons plus uniquement les moments mémorables. Nous sauvegardons tout, comme si nous n’osions oublier un seul moment de nos vies. Toutefois, ce besoin de prendre tant de photos a un aspect positif. Il nous fait prendre conscience de ce qui est en train de se passer. Avec l’appareil photo, le regard gagne en acuité.

C’est l’utilisation qui est ensuite faite des photos qui est en cause. Partageons-nous ces photos parce que nous avons envie que d’autres personnes profitent de belles choses que nous voyons ? Alors c’est excellent. Mais si nous le faisons dans le but d’épater la galerie, au bout du compte, nous allons nous sentir vide.

Et si nous prenions une journée de repos, de temps à autre, pour mieux apprécier la vie, à l’instar du shabbat – le repos – de la religion juive ? Et en évitant la technologie ce jour-là, nous pourrions nous occuper de nos proches, de prendre soin de nous, de prendre l’air, de donner, de chercher la paix, de se promener, de prendre le temps de vivre, de paresser dans notre bain… A chacun de trouver son propre équilibre.

Alors, couchons-nous dans l’herbe et regardons passer les nuages. Ne courrons pas chercher notre appareil photo. Restons tranquillement là où nous sommes, parce que ce qu’il y a de plus beau dans ce moment, c’est d’observer ce nuage, de l’apprécier et de le laisser partir.